Les métiers des SATT #2 : La valorisation des Sciences Humaines et Sociales (SHS)

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07 mai 2019

Découvrez, à travers une interview croisée, les différentes facettes de la valorisation des Sciences Humaines et Sociales (SHS) au sein des SATT : Laëtitia Lasagesse, Chargée de Transfert SHS à la SATT Sud-Est, Gaylord Bauden-Hamerel, Chef de projets SHS à la SATT Nord et Maria Teresa Maiullari-Pontois, Responsable valorisation SHS au CNRS.

Quel est votre parcours ?

Laëtitia Lasagesse : Après un bac littéraire mention très bien et une hypokhâgne, j’ai intégré Sciences Po Lille et obtenu un DESS de lobbying. Forte de ce bagage complet, j’ai commencé ma vie professionnelle dans la filiale belge de Sodexo Chèques et Cartes à Bruxelles où, au sein du Service Développement, j’ai travaillé au lancement de nouvelles offres, dont la carte à puce. Rentrée en France, j’ai animé le service Emploi-Formation du cluster Opticsvalley sur le Plateau de Saclay, qui a donné naissance au Pôle de Compétitivité SYSTEm@TIC-PARIS-REGION, avant de devenir Attachée de Direction auprès du Directeur Général du Pôle. L’attrait du soleil m’a conduite en Provence où j’ai lancé une gamme de produits de bien-être naturels. N’ayant réussi à référencer mes produits dans la grande distribution spécialisée comme escompté, j’ai été ravie de découvrir la page blanche de la valorisation des Sciences Humaines & Sociales par le transfert que proposait la SATT Sud-Est au moment de la clôture de ma société Plaisirs Vitaminés ! Et cela fait 5 ans déjà que je m’adonne à ce métier passionnant.

Gaylord Bauden-Hamerel : D’abord formé aux affaires européennes (Sciences Po), puis une thèse en Droit public, j’ai passé plusieurs années à parfaire mon expertise en droit des technologies au gré de programmes de recherches subventionnés. Axés exclusivement sur les technologies destinées à la sécurité publique, des personnes et des infrastructures, ces années en tant que chercheur en sciences humaines accolé à des consortiums industriels et pluridisciplinaires (ACI, ANR, FUI, FP7, et H2020) m’ont inculqué les fondamentaux de la recherche partenariale orientée vers l’innovation, porté par les grands groupes française du secteur. J’ai tâté du conseil aux projets incubés dans l’éco-système lillois pendant quelques mois, en parallèle de charges d’enseignement et de direction de formation au sein de Sciences Po Lille (Majeure Métiers du Partenariat Public-Privé), et de la Faculté des Sciences juridiques, Politiques et Sociales de l’Université de Lille.Mon double ancrage a constitué pour moi un parcours et je crois, un atout compatible avec les objectifs, encore novateurs pour les sciences humaines, de faire de la recherche autrement ; de concevoir aussi ses objectifs différemment. C’est ce à quoi je m’emploie au sein de la SATT Nord depuis maintenant près de quatre ans.

En quoi consiste votre métier ?

Laëtitia Lasagesse : Notre métier est riche et offre des facettes de contenus et d’interactions multiples. Je sensibilise les chercheurs à l’existence de la SATT Sud-Est et au rôle qu’elle peut jouer dans l’accompagnement de leurs innovations, lorsque celles-ci revêtent un potentiel de transfert ; et je les aide si besoin à rédiger une déclaration d’invention.

Une fois que ce document arrive à la SATT, nous constituons une équipe projet avec un juriste, un ingénieur de propriété intellectuelle et un chargé de marketing ; nous travaillons alors sur le projet afin d’en évaluer le potentiel et de réfléchir ensemble à la meilleure voie de valorisation et la manière de l’accompagner au mieux. Nous échangeons sur cette stratégie avec l’équipe d’inventeurs et, si elle convient, nous avançons, étape par étape : Comité de Propriété Intellectuelle tout d’abord, étude de positionnement ensuite, montage d’un dossier de maturation si le projet nécessite un budget spécifique pour développer un démonstrateur, suivi du projet de maturation, dépôt de titres de propriété intellectuelle et recherche de partenaires socio-économiques en vue de transférer l’innovation sous forme de licence d’exploitation.

Gaylord Bauden-Hamerel : A apprendre, accompagner, stimuler, rassurer aussi les chercheurs sur un modèle de développement de leurs travaux au-delà de la vie académique. C’est d’abord une mission de dialogue et de curiosité scientifique qui permet d’assurer la détection des projets au potentiel de valorisation. Puis de mettre en œuvre tous les moyens possibles au sein de la SATT Nord, ainsi que des établissements pour que l’accompagnement soit le plus adéquat : faire progresser autant administrativement, juridiquement qu’intellectuellement tous les acteurs réunis pour trouver, imaginer, voire inventer grace à la création d’entreprise les débouchés qui donneront une seconde vie à la recherche publique, dans le monde économique, comme pour le bien commun.

Les Sciences Humaines et sociales sont si diversifiées qu’il n’existe pas de typologie fixe de projets, en dehors des processus classiques que sont la pré-maturation (servant surtout à la SATT Nord à élever  le niveau de TRL et formaliser la Propriété intellectuelle) et le passage en investissement. Nous nous concentrons sur la production d’actifs, et la formalisation des résultats de la recherche qui consolident l’avenir (développement de logiciels, de bases de données, de contenus et médias, mais aussi de services à valeur ajoutée). Chaque projet impose donc d’être taillé à ses mesures.

Quelles sont les particularités de la valorisation des SHS ?

Laëtitia Lasagesse : Si le processus d’accompagnement est intangible, les spécificités liées aux sciences douces sont nombreuses. Les innovations issues des laboratoires de Sciences Humaines & Sociales sont en effet rarement incarnées et arrivent généralement au stade de concept, d’idée. C’est la raison pour laquelle, par exemple, nous venons de mettre en œuvre, au sein de la SATT Sud-Est, une déclaration d’invention spécifique aux innovations issues des SHS et du numérique, afin de pouvoir identifier et capitaliser sur tout leur potentiel.

De plus, les innovations SHS adressent des marchés plus larges que le monde industriel et englobent la sphère publique, le monde associatif et l’Economie Sociale et Solidaire. Culturellement parlant, les chercheurs de certaines disciplines SHS ne sont pas familiers des pratiques de transfert et peuvent parfois s’exclure d’eux-mêmes de l’accompagnement qu’on leur propose. Charge à nous de leur montrer que la valorisation par le transfert s’adresse à toutes les thématiques et que leur impact social, sociétal, environnemental est majeur. Pour cela, la meilleure façon d’y parvenir reste la preuve par l’exemple : plus nous avons d’exemples de maturation, de transfert ou de création de start-ups réussies, plus nous sommes convaincants et plus la valorisation des SHS fait son chemin !

Gaylord Bauden-Hamerel : L’éventail des disciplines classées  souvent de manière résiduelle, dans les sciences humaines et sociales rend l’exercice toujours particulier. Nous avons mis en place en collaboration avec la fondation I-SITE de l’Université de Lille un appel à manifestation d’intérêt pour assurer un mécanisme de traction des projets vers la valorisation économique et sociale des résultats. Cette initiative part du constat que notre rôle commun est plus que séduire, mais surtout transformer la façon dont on envisage les résultats de la recherche dans bon nombre de discipline en apportant les moyens de leur formalisation, voire de leur finalisation leur donnant la « patine » nécessaire à l’invention d’un modèle économique de transfert, ou tout simplement leur existence matérielle.

Comme dans toutes les SATT prenant à corps la communauté des sciences humaines et sociales, nous devons nous-même remettre en question nos pratiques et  « innover sur l’innovation » si je peux me permettre cette facilité, en combinant nos objectifs de transfert avec l’esprit et les valeurs qui fondent le progrès économique et social. C’est aussi je pense notre mission en tant qu’instrument de l’Etat.

 

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